Intégration : en route vers le supérieur

Le changement de variables - Exercice 1

45 min
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La méthode du changement de variable est très appréciée par le physicien. Elle s'utilise lorsque la détermination de la primitive, ou l'évaluation de l'intégrale, n'est pas facile.
L'idée est d'effectuer une substitution au sein de l'intégrale, et donc de changer la variable initiale (souvent xx) en une autre, dans l'unique but de retrouver une forme "plus familière".
On cherche à déterminer l'intégrale suivante :
I=abf(x)dxavec:[a;b]DfI = \int_a^b f(x) \, dx \,\,\,\,\, \mathrm{avec} \, : \,\, [a\,;\,b] \subseteq \mathcal{D}_f
On introduit alors une fonction numérique φ\varphi suivante :
φ:{DφFtφ(t)\varphi : \left\lbrace \begin{array}{rcl} \mathcal{D}_\varphi & \longmapsto & \mathcal{F} \\ & & \\ t & \longrightarrow & \varphi(t) \end{array} \right.
On suppose que cette fonction numérique φ\varphi est dérivable au moins une fois sur un intervalle JDφ\mathcal{J} \subseteq \mathcal{D}_\varphi, et que sa dérivée φ\varphi' soit continue sur ce même intervalle J\mathcal{J}.
Voici maintenant la condition essentielle à l'existence (donc à la faisabilité) du changement de variable x=φ(t)x = \varphi(t). La fonction numérique φ\varphi doit permettre une correspondance unique, donc sans ambiguïté, entre les éléments x[a;b]Dfx \in [a\,;\,b] \subseteq \mathcal{D}_f et les éléments tJDφt \in \mathcal{J} \subseteq \mathcal{D}_\varphi. On dit que la fonction φ\varphi réalise une bijection{\color{red}{bijection}} entre [a;b][a\,;\,b] et J\mathcal{J}.
On sait que x=φ(t)x = \varphi(t), et de fait, il est possible d'exprimer le lien réciproque par une relation du type t=ϕ(x)t = \phi(x).
Le fait que la fonction φ\varphi réalise une bijection{\color{red}{bijection}} entre [a;b][a\,;\,b] et J\mathcal{J} permet d'écrire ce lien réciproque (on dit aussi biunivoque) unique entre les éléments xx et tt de la manière suivante :
{x=φ(t)t=ϕ(x)=Rφ(x)\left\lbrace \begin{array}{rcl} x & = & \varphi(t) \\ & & \\ t & = & \phi(x) = \mathfrak{R}_\varphi(x) \end{array} \right.
Dans cette écriture la fonction ϕ=Rφ\phi = \mathfrak{R}_\varphi est la fonction réciproque de la fonction φ\varphi. Cette fonction réciproque Rφ\mathfrak{R}_\varphi annule "l'action" de φ\varphi. Et on a donc la propriété suivante :
{φRφ=IdRφφ=Id{φ(Rφ(x))=xRφ(φ(t))=t\left\lbrace \begin{array}{rcl} \varphi \circ \mathfrak{R}_\varphi & = & \mathrm{Id} \\ & & \\ \mathfrak{R}_\varphi \circ \varphi & = & \mathrm{Id} \end{array} \right. \,\,\,\,\, \Longleftrightarrow \,\,\,\,\, \left\lbrace \begin{array}{rcl} \varphi\left( \mathfrak{R}_\varphi(x) \right) & = & x \\ & & \\ \mathfrak{R}_\varphi\left(\varphi(t) \right) & = & t \end{array} \right.
C'est exactement ce qui se passe, entre R\mathbb{R} et R\mathbb{R}, avec les fonctions ln\ln et exp\exp, ou encore entre R+\mathbb{R}^+ et R+\mathbb{R}^+, avec les fonctions carrée et racine carrée.
On peut donc écrire que :
x=φ(t)dxdt=dφdt(t)dxdt=φ(t)dx=φ(t)dtx = \varphi(t) \,\,\,\,\, \Longrightarrow \,\,\,\,\, \dfrac{dx}{dt} = \dfrac{d\varphi}{dt}(t) \,\,\,\,\, \Longleftrightarrow \,\,\,\,\, \dfrac{dx}{dt} = \varphi'(t) \,\,\,\,\, \Longleftrightarrow \,\,\,\,\, dx = \varphi'(t) \, dt
Et donc, on a aussi :
t=Rφ(x)t = \mathfrak{R}_\varphi(x)
Ce qui implique, pour les bornes d'intégration, les deux changement suivants :
{x=bx=a{t=Rφ(b)t=Rφ(a)\left\lbrace \begin{array}{rcl} x & = & b \\ & & \\ x & = & a \end{array} \right. \,\,\,\,\, \Longrightarrow \,\,\,\,\, \left\lbrace \begin{array}{rcl} t & = & \mathfrak{R}_\varphi(b) \\ & & \\ t & = & \mathfrak{R}_\varphi(a) \end{array} \right.
Dès lors, on obtient la relation suivante :
\blacktriangleright \,\, Technique de calcul d'une intégrale : l'intégration par changement de variable
Soit une fonction numérique ff ne dépendant que de la variable xx, qui est bornée et continue sur l'intervalle [a;b]Df[a\,;\,b] \subseteq \mathcal{D}_f.
Si on pose le changement de variable x=φ(t)x = \varphi(t), où la fonction numérique φ\varphi :
\,\, \bullet \,\, est dérivable au moins une fois sur un intervalle JDφ\mathcal{J} \subseteq \mathcal{D}_\varphi ;
\,\, \bullet \,\, sa dérivée φ\varphi' est continue sur ce même intervalle J\mathcal{J} ;}
\,\, \bullet \,\, et enfin qu'elle réalise une bijection entre les intervalles [a;b][a\,;\,b] et J\mathcal{J}.
Alors on a la formule suivante :
abf(x)dx=Rφ(a)Rφ(b)f(φ(t))φ(t)dt\int_a^b f(x) \, dx = \int_{\mathfrak{R}_\varphi(a)}^{\mathfrak{R}_\varphi(b)} f \left( \varphi(t) \right) \, \varphi'(t) \, dt
Il s'agit d'une méthode de substitution, particulièrement efficace.
Question 1
A l'aide d'un changement de variable, calculer les intégrales suivantes :

I1=011x2dxI_1 = \int_0^1 \sqrt{1 - x^2}\, dx en posant x=sin(t)x = \sin(t)

Correction
On cherche à calculer l'intégrale I1I_1 suivante :
I1=011x2dxI_1 = \int_0^1 \sqrt{1 - x^2}\, dx
On pose alors :
x=sin(t)t=arcsin(x)x = \sin(t) \,\,\,\,\, \Longrightarrow \,\,\,\,\, t = \arcsin(x)
En ce qui concerne les bornes d'intégration, on a alors :
{x=1x=0{t=arcsin(1)=π2t=arcsin(0)=0\left\lbrace \begin{array}{rcl} x & = & 1 \\ & & \\ x & = & 0 \end{array} \right. \,\,\,\,\, \Longrightarrow \,\,\,\,\, \left\lbrace \begin{array}{rclcl} t & = & \arcsin(1) & = & \dfrac{\pi}{2} \\ & & & & \\ t & = & \arcsin(0) & = & 0 \\ \end{array} \right.
Puis, la fonction sinus est une bijection de [0;π2]\left[ 0\,;\, \dfrac{\pi}{2} \right] sur [0;1]\left[ 0\,;\, 1\right]. De plus, sur l'intervalle [0;π2]\left[ 0\,;\, \dfrac{\pi}{2} \right], cette fonction est dérivable, et sa dérivée, la fonction cosinus, y est continue. On a alors :
x=sin(t)dxdt=ddt(sin(t))dxdt=cos(t)dx=cos(t)dtx = \sin(t) \,\,\,\,\, \Longrightarrow \,\,\,\,\, \dfrac{dx}{dt} = \dfrac{d \, }{dt}(\sin \left(t\right)) \,\,\,\,\, \Longleftrightarrow \,\,\,\,\, \dfrac{dx}{dt} = \cos(t) \,\,\,\,\, \Longleftrightarrow \,\,\,\,\, dx = \cos(t) \, dt
Et de fait, on peut écrire que :
I1=011x2dx=0π21sin2(t)cos(t)dtI_1 = \int_0^1 \sqrt{1 - x^2} \, dx = \int_0^{\frac{\pi}{2}} \sqrt{1 - \sin^2(t)} \, \cos(t) \, dt
Soit :
I1=0π2cos2(t)cos(t)dt=0π2cos(t)cos(t)dtI_1 = \int_0^{\frac{\pi}{2}} \sqrt{\cos^2(t)} \, \cos(t) \, dt = \int_0^{\frac{\pi}{2}} |\, \cos(t) \,| \, \cos(t) \, dt
Mais comme t[0;π2]t \in \left[ 0\,;\, \dfrac{\pi}{2} \right] cela implique que cos(t)0\cos(t) \geqslant 0 et donc que cos(t)=cos(t)|\, \cos(t) \,| = \cos(t). Ainsi, on trouve que :
I1=0π2cos(t)×cos(t)dt=0π2cos2(t)dt=0π21+cos(2t)2dtI_1 = \int_0^{\frac{\pi}{2}} \cos(t) \times \cos(t) \, dt = \int_0^{\frac{\pi}{2}} \cos^2(t) \, dt = \int_0^{\frac{\pi}{2}} \dfrac{1 + \cos(2t)}{2} \, dt
Par intégration on trouve que :
I1=[x2+14sin(2x)]0π2I_1 = \left[ \, \dfrac{x}{2} + \dfrac{1}{4} \, \sin(2x) \, \right]_0^{\frac{\pi}{2}}
Ce qui nous donne donc :
I1=π22+14sin(2×π2)0214sin(2×0)=π4+14sin(π)014sin(0)I_1 = \dfrac{\dfrac{\pi}{2}}{2} + \dfrac{1}{4} \, \sin\left(2\times \dfrac{\pi}{2}\right) - \dfrac{0}{2} - \dfrac{1}{4} \, \sin(2\times 0) = \dfrac{\pi}{4} + \dfrac{1}{4} \, \sin(\pi) - 0 - \dfrac{1}{4} \, \sin(0)
Comme sin(π)=sin(0)=0\sin(\pi) = \sin(0) = 0, en déduit finalement que :
I1=011x2dx=π4u.a.{\color{red}{I_1 = \int_0^1 \sqrt{1 - x^2} \, dx = \dfrac{\pi}{4} \,\, u.a.}}
Géométriquement ce résultat était évident. En effet, l'équation 1x2\sqrt{1 - x^2} représente le quart supérieur droit du cercle trigonométrique, donc de rayon unitaire. Ce cercle a pour surface π×12=π\pi \times 1^2 = \pi, et de fait l'intégrale I1=011x2dxI_1 = \int_0^1 \sqrt{1 - x^2} \, dx vaut le quart, à savoir π4\dfrac{\pi}{4}.
Question 2

I2=01exdxI_2 = \int_0^1 e^{\sqrt{x}} \, dx en posant x=t2x = t^2

Correction
On cherche à déterminer l'intégrale I2I_2 suivante :
I2=01exdxI_2 = \int_0^1 e^{\sqrt{x}} \, dx
On pose alors :
x=t2t=xx = t^2 \,\,\,\, \Longrightarrow \,\,\,\, t = \sqrt{x}
En effet, comme x[0;1]x \in [\,0\,;\,1\,] cela signifie que x0x \geqslant 0. En ce qui concerne les bornes d'intégration, on a alors :
{x=1x=0{t=1=1t=0=0\left\lbrace \begin{array}{rcl} x & = & 1 \\ & & \\ x & = & 0 \end{array} \right. \,\,\,\,\, \Longrightarrow \,\,\,\,\, \left\lbrace \begin{array}{rclcl} t & = & \sqrt{1} & = & 1 \\ & & & & \\ t & = & \sqrt{0} & = & 0 \\ \end{array} \right.
Puis, la fonction carrée est une bijection de R+\mathbb{R}^+ sur R+\mathbb{R}^+. De plus, sur l'intervalle R+\mathbb{R}^+, cette fonction est dérivable, et sa dérivée qui vaut 2t2t, y est continue. On a alors :
x=t2dxdt=ddt(t2)dxdt=2tdx=2tdtx = t^2 \,\,\,\,\, \Longrightarrow \,\,\,\,\, \dfrac{dx}{dt} = \dfrac{d}{dt}(t^2) \,\,\,\,\, \Longleftrightarrow \,\,\,\,\, \dfrac{dx}{dt} = 2t \,\,\,\,\, \Longleftrightarrow \,\,\,\,\, dx = 2t \, dt
De fait, on peut écrire que :
I2=01et2tdtI2=201tetdtI_2 = \int_0^1 e^{t} \, 2t \, dt \,\,\,\,\, \Longleftrightarrow \,\,\,\,\, I_2 = 2 \, \int_0^1 t \, e^{t} \, dt
Or, l'intégrale 01tetdt\int_0^1 t \, e^{t} \, dt a déjà été déterminée. En effet, il s'agit de l'intégrale I4I_4 de la section relative à l'intégration par parties. On sait donc que 01tetdt=1\int_0^1 t \, e^{t} \, dt = 1. On en déduit alors que :
I2=01exdx=2u.a.{\color{red}{I_2 = \int_0^1 e^{\sqrt{x}} \, dx = 2 \,\, u.a.}}
Question 3

I3=121ex1dxI_3 = \int_1^2 \dfrac{1}{\sqrt{e^x -1}} \, dx en posant t=ex1t = \sqrt{e^x -1}

Correction
On cherche à calculer l'intégrale I3I_3 suivante :
I3=121ex1dxI_3 = \int_1^2 \dfrac{1}{\sqrt{e^x -1}} \, dx
On pose alors :
t=ex1 t2=ex1 x=ln(t2+1)t = \sqrt{e^x -1} \ \,\,\,\, \Longrightarrow \,\,\,\, t^2 = e^x - 1 \ \,\,\,\, \Longrightarrow \,\,\,\, x = \ln\left(t^2 + 1 \right)
En effet, tR\forall t \in \mathbb{R}, on a t2+1>0t^2 + 1 > 0. On a alors :
{x=2x=1{t=e21t=e11=e1\left\lbrace \begin{array}{rcl} x & = & 2 \\ & & \\ x & = & 1 \end{array} \right. \,\,\,\,\, \Longrightarrow \,\,\,\,\, \left\lbrace \begin{array}{rclcl} t & = & \sqrt{e^2 -1} & & \\ & & & & \\ t & = & \sqrt{e^1 -1} & = & \sqrt{e - 1} \\ \end{array} \right.
Puis, la fonction La fonction φ:tln(t2+1)\varphi : t \longrightarrow \ln\left(t^2 + 1 \right) est une bijection de R+\mathbb{R}^+ sur R+\mathbb{R}^+. De plus, sur l'intervalle R+\mathbb{R}^+, cette fonction est dérivable, et sa dérivée qui vaut φ(t)=2tt2+1\varphi'(t) = \dfrac{2t}{t^2 + 1}, y est continue. On a alors :
x=ln(t2+1)dxdt=ddt(ln(t2+1))dxdt=2tt2+1dx=2tt2+1dtx = \ln\left(t^2 + 1 \right) \,\,\,\,\, \Longrightarrow \,\,\,\,\, \dfrac{dx}{dt} = \dfrac{d}{dt}\left( \ln\left(t^2 + 1 \right)\right) \,\,\,\,\, \Longleftrightarrow \,\,\,\,\, \dfrac{dx}{dt} = \dfrac{2t}{t^2 + 1} \,\,\,\,\, \Longleftrightarrow \,\,\,\,\, dx = \dfrac{2t}{t^2 + 1} \, dt
De fait, on peut écrire que :
I3=121ex1dx=e1e211t×2tt2+1dt=e1e212t2+1dt=2e1e211t2+1dtI_3 = \int_1^2 \dfrac{1}{\sqrt{e^x -1}} \, dx =\int_{\sqrt{e - 1}}^{\sqrt{e^2 - 1}} \dfrac{1}{t} \times \dfrac{2t}{t^2 + 1} \, dt = \int_{\sqrt{e - 1}}^{\sqrt{e^2 - 1}} \dfrac{2}{t^2 + 1} \, dt = 2\int_{\sqrt{e - 1}}^{\sqrt{e^2 - 1}} \dfrac{1}{t^2 + 1} \, dt
L'intégration est alors directe, et on a :
I3=2×[arctan(t)]e1e21I_3 = 2 \times \left[\, \arctan(t) \, \right]_{\sqrt{e - 1}}^{\sqrt{e^2 - 1}}
Finalement, on obtient :
I3=121ex1dx=2×(arctan(e21)arctan(e1))u.a.{\color{red}{I_3 = \int_1^2 \dfrac{1}{\sqrt{e^x -1}} \, dx = 2 \times \left( \, \arctan\left( \sqrt{e^2 - 1} \right) - \arctan\left( \sqrt{e - 1} \right) \, \right) \,\, u.a.}}